- A/R Magazine voyageur 2017

Petit coup de cafard à Madagascar

«A Mada, les douaniers sont encore plus corrompus que les policiers – et ce n’est pas peu dire»

J’ai tout le loisir d’observer le pauvre cafard, le vol de retour d’Air Seychelles a déjà trois heures de retard. On nous en annonce trois de plus. À mon arrivée à Antananarivo, dix jours plus tôt, un détail aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Le cadenas de ma valise avait été forcé. Puis, à l’aéroport national, je m’étais heurté à des douaniers trop zélés. Ils avaient confisqué ma crème solaire et ma bouteille d’eau. Comment un touriste à peau blanche peut-il survivre sans ce minimum vital sous 35 degrés à l’ombre? Ils n’en avaient rien à fiche. Ils attendaient un bakchich.

Un ami m’avait prévenu : «à Mada, les douaniers sont encore plus corrompus que les policiers – et ce n’est pas peu dire». J’ai préféré payer le double du prix à un pharmacien et je n’ai pas cramé à Nosy Be, lors d’un séjour en compagnie des lémuriens et des caméléons. Le problème économique du pays, c’est son besoin crucial en devises étrangères. Les Malgaches ne veulent pas de leur propre monnaie (on les comprend, il en faut une brouette pour s’acheter une montre). J’avais conservé une liasse d’ariarys pour me sustenter à l’aéroport, mais l’unique buvette du duty free n’accepte que les dollars et les euros. À la rigueur les francs suisses. Pourquoi pas les roubles? Un vendeur au regard torve accepte de changer au noir. Pour procé- der à cette opération illicite, il m’entraine derrière les bouteilles de whisky et les cartouches de cigarettes. Le petit malin en profite pour inventer son propre taux de change. À l’affront de me voler, il ajoute l’insulte de me prendre pour une bille. Il me reste juste assez d’euros pour un maigre sandwich.

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Prisonniers de la salle d’embarquement

Impossible de sortir de la zone internationale. Nous voilà prisonniers de la salle d’embarquement. Les douaniers avachis récitent leur discours : « voyez avec la police». Celle-ci renvoie au personnel de la compagnie. Mais où est le responsable? «en haut», répond l’agent au sol. Le superviseur y restera, calfeutré dans son bureau. On le comprend, 300 passagers en ébullition ça terrorise tout de suite. À moins qu’il soit allergique aux fourmis ailées ? Elles ont encerclé la salle d’embarquement. On les retrouve massées le long des murs, agglutinées aux fenêtres et jusque dans le lavabo des toilettes. Une attente prolongée en huis clos permet au moins de vérifier la solidarité entre victimes d’une même galère. Je sympathise avec un homme d’affaires franco-malgache, un Émirati au français impeccable et un groupe de Lyonnaises aux cheveux blancs.

Nous partageons la seule prise électrique de la salle d’attente – celle de l’aspirateur – pour recharger nos portables. Je meurs de soif. En fouillant mon sac, je tombe sur dix dollars oubliés lors d’un précédent voyage. Je peux ainsi offrir des bières à deux jeunes humanitaires bretons. Madame pipi nous laisse fumer dans les toilettes en échange de quelques billets. Nous respirons enfin. Malgré le nuage qui surplombe notre cabine. Une fois dans l’avion, un casque sur les oreilles, j’oublie le cafard, les douaniers, la dame pipi. Les Smashing Pumpkins chantent «The world is a vampire». Il manquait juste une chauve-souris à l’aéroport de Tana pour que la fête soit complète.

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Photographe : Christophe Migeon
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Écrit par
Tristan Savin
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