Pérou – Terres oubliées

Loin des foules de Cuzco, la région nord du Pérou dévoile une nature sauvage et exubérante où sommeillent encore les trésors méconnus de civilisations oubliées.

« Trabajo para todos ». Les slogans des candidats à l’élection présidentielle du mois d’avril, peinturlurés à même l’adobe des murs, annoncent des lendemains qui chantent. Même à des milliers de kilomètres de notre bon vieux pays, les promesses restent les mêmes. Et n’engagent que ceux qui les écoutent. Celle-ci vient d’Alan Garcia, président du Pérou de 2006 à 2011, qui nous promet aussi « agua para todos ». Ce n’est pas le tout d’avoir un boulot, encore faut-il boire de temps en temps. Et ce n’est pas toujours chose facile dans la région de Cajamarca, affligée de la plus grande mine d’or d’Amérique du Sud, Yanacocha, un complexe industriel qui souille rivières et nappe phréatique en toute impunité depuis une vingtaine d’années. Les gens n’ont pas les poches garnies de pépites pour autant, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le long de la route empoussiérée qui se tortille en sortant de la ville, un paysan derrière sa charrue se débat avec ses bœufs pour tracer un sillon droit. Au loin, une famille de serranos aux ponchos tapageurs conduit un troupeau de vaches vers de maigres pâtures. C’est le Nord Pérou, une contrée d’Indiens mutiques et farouches où des millénaires de civilisations ont semé dans leur sillage les fragments discrets d’un prestigieux passé. Loin du Machu Picchu et de ses touristes à gros mollets, le site de Cumbemayo, griffé de pétroglyphes, tente de se réchauffer au pâle soleil des Andes. Découvert en 1937, le sanctuaire témoigne encore des prouesses de l’ingénierie hydraulique précolombienne. Au milieu d’une steppe d’ichus frissonnante sous la brise, un aqueduc de 9 km de long creusé dans la pierre fait couler l’eau vive d’un versant de la montagne à l’autre depuis plus de 1 000 ans. On se demande bien comment l’ingénieur a fait pour calculer la déclivité nécessaire au mouvement de l’eau sur une telle distance. Des bergères aux joues brulées par le vent filent la laine en gardant leurs blancs moutons. La pierre volcanique fait comme des crêtes de stégosaure sur la croupe des collines. Le temps s’est arrêté sur Cumbamayo. Tout comme il s’est arrêté pour les 219 momies du musée de Leymebamba à quelques heures de bus de là. Des momies figées dans l’horreur. Recroquevillées sur leurs étagères, certaines couvrent leurs orbites béantes d’une main crispée. D’autres contractent leurs longs doigts squelettiques autour de leur propre gorge en décochant un sourire de cauchemar au visiteur qui n’en mène pas large derrière la vitre. Le guide José s’éloigne discrètement et un peu penaud, avoue dans un souffle : « Elles me font peur ! » Ces cadavres, naturellement momifiés grâce aux bons soins du soleil et de l’air sec, ont été retrouvés en 2000 par une équipe d’archéologues australiens sur les rives d’une lagune voisine. Ils appartenaient au gratin de la société Chachapoya, ces « guerriers des nuages » vaincus comme tant d’autres peuples précolombiens par le rouleau compresseur inca. (…) Lire la suite dans AR33

Photographe : Christophe Migeon
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Écrit par
Christophe Migeon
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