Le salar de la peur – Bolivie

Des paysages entre sel et terre à donner le vertige, des mines monstrueuses qui ne prennent même pas la peine de recracher les corps des hommes qu’elles avalent, des Indiens taciturnes au regard de miroir, des momies grimaçantes et extraverties… les road trips dans le Sud bolivien enchaînent coups de cœur et émotions fortes.

Impossible de venir à Potosí sans payer tribut au Cerro Rico, la monstrueuse colline au teint rougeaud qui écrase la ville de toute sa masse. Après tout, nous autres Européens lui devons bien ça. Certains historiens assurent que les 30 000 tonnes d’argent qu’on lui a soutiré au cours des siècles ont non seulement fait la gloire de l’Empire de Charles Quint, mais ont été également à l’origine du capitalisme en Europe. Rien de moins. Les Espagnols ont commencé à percer ce formidable coffre-fort en 1545. Mais comme ils avaient mal au dos, ils ont préféré demander à leurs nouveaux amis indiens d’aller creuser à leur place. Le Vice-Roi du Pérou Francisco de Toledo, qui aurait sûrement pu faire un bon chef d’équipe chez Mac Do, organise le travail selon le système inca de la mita, un genre de service obligatoire, contraignant les heureux gagnants à trimer parfois 4 mois d’affilée sans sortir de leur trou. L’insatiable montagne, Moloch des temps modernes, va dévorer entre six et huit millions d’esclaves (dont deux millions d’Africains) et bien souvent n’en recrachera même pas les os. Qu’importe, la civilisation est en marche. Youpi. Fin XVIIIe, Potosí est la cité la plus riche et la plus peuplée d’Amérique du Sud. Hélas ! au siècle suivant, les filons commencent à cracher plus d’étain que d’argent et les choses se gâtent. La cité s’étiole. Aujourd’hui, la statue du mineur révolutionnaire, un fusil dans la main gauche et la droite posée sur son fidèle marteau-piqueur, nous rappelle la nationalisation des mines en 1952. Avec la chute des cours, l’État a depuis lâché les mineurs qui sont désormais organisés en coopératives. Ils sont 5 000 en ce moment à tenter leur chance dans le ventre de la montagne. (…)

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Écrit par
Christophe Migeon
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