Mayotte – Parfum d’une inconnue

Alerte ! Un département français est en train de se déplacer. Comme si ce trouble à l’ordre public ne suffisait pas, il s’enfonce aussi. C’est pas le Puy-de-Dôme, pas la Côte d’Or, pas le Territoire de Belfort, c’est pas le Tarn-et-Garonne ni la Meurthe-et-Moselle, c’est pas la Corrèze, ni la Sarthe, ni la Dordogne, encore moins la Gironde, non, c’est Mayotte, le 101e département français, 374 km² de terres flottant dans l’océan Indien entre Madagascar et le Mozambique. La graduation du double-décimètre faisant foi, depuis un an Mayotte a bougé vers l’est d’environ 10 centimètres tout en s’affaissant de 13 centimètres. La faute à un jeune et fougueux volcan sous-marin récemment découvert à qui l’on a pu attribuer la série de séismes inexpliqués ayant frappé au cours des derniers mois l’île ou plutôt les deux îles : Grande Terre et Petite Terre. La première qui, vous l’avez compris n’est grande que par rapport à sa voisine, aurait mérité de s’appeler l’île de l’Hippocampe, un beau nom qui claque et rend hommage à sa forme. Car, oui, elle a tout d’un hippocampe, la tête haute, le dos bien droit, la queue légèrement enroulée, elle s’avance à sa manière verticale dans la mer d’un bleu outremer cela va de soi avec dans son sillage Petite Terre qui, elle, ressemble à rien sinon vaguement à une palourde. Pas de quoi changer de nom cette fois, notons cependant que malgré sa dimension très modeste (16 km2), elle accueille l’unique piste de l’aéroport et le lac Dziani tapi au fond d’un cratère effondré . Mais foin de considérations toponymiques, allons voir de plus près Mayotte avant qu’elle ne file à l’anglaise.

L’ascension du Choungui

Officiellement le mont Choungui mesure toujours 594 m bien que les dernières gesticulations géologiques aient dû lui coûter quelques centimètres, un rétrécissement dont il se serait bien passé. Pour en avoir le cœur net, il faudrait qu’il passe sous la toise. Cela confirmerait en tout cas qu’il n’est pas le plus haut des pics mahorais – le mont Bénara culmine à 660 m –, ce qui ne l’empêche pas dans le sud de l’île de produire son petit effet. S’élevant très nettement au-dessus d’un relief dépourvu d’une quelconque ambition, sa silhouette évoque en effet l’aileron d’un requin, d’un bébé requin plus exactement. Sauf le respect dû aux montagnes de petite taille, on se voyait déjà au sommet en train de contempler à nos pieds la côte joliment tarabiscotée de Grande Terre avec au large quelques îlots pointant juste au-dessus des flots. Erreur classique à ranger sous la rubrique « ne pas vendre la peau de l’ours », car le nabot cache sous son épaisse forêt une pente qui va toujours en s’accentuant et contraint à un moment donné le randonneur à employer ses mains en plus de ses pieds. Il empoigne alors des racines ou des branches, tout ce qui fait prise autour de lui, pour continuer à grimper et finalement atteindre la cime. Là, un rocher à moitié suspendu au-dessus du vide l’attend. Il s’avance puis bombe le torse en portant son regard vers l’horizon. Oui, il a vaincu ce mont Choungui qu’il sous-estimait et cela vaut bien une pose dans le plus pur style romantique, une pose qui au XIXe siècle aurait inspiré à Caspar David Friedrich un tableau intitulé « voyageur contemplant l’infini de l’océan Indien » ou quelque chose comme ça, une pose qui de nos jours a sa place réservée d’office sur un compte Instagram. (…)

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Photographe : Bertrand Rieger
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Écrit par
Michel Fonovich
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