Centre – Val de Loire – Petites et grandes extases (4)

Au pays des oiseaux et des tortues

Mais c’est quoi et c’est où la Brenne ? Ceux qui en parleraient le mieux ne peuvent pas le faire. Il s’agit du héron pourpré, du grèbe à cou noir, du Busard roseaux, de la Grande aigrette et de tant d’autres volatiles attirés par ses 3 000 étangs où il fait bon faire son nid. 3 000 étangs créés par les Brennoux dès le XIIe siècle dans le but d’élever des poissons, notamment la carpe. Au XXIe siècle, on fait toujours de la carpe, mais à l’attention presque exclusive des Allemands qui sont bien les seuls à en raffoler. Ceux qui en parlent avec dévotion sont les observateurs d’oiseaux. Pour les reconnaître, c’est facile. Ils portent en général un Canon ou un Nikon armé d’un objectif 500 mm gros comme ça ou bien une longue-vue et passent des journées entières à l’affût dans un observatoire. Beaucoup viennent de l’étranger, de Grande-Bretagne en particulier où le bird watching s’apparente à une religion. Quand la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) compte 42 000 adhérents en France, son homologue britannique en totalise 1 200 000. Respect. Tony Williams, un sujet de Sa Majesté la reine Elisabeth II, a pris racine dans la Brenne, il y a une trentaine d’années. Ce guide LPO en pince pour la Guifette moustac et voue aux gémonies le ragondin, animal ô combien grossier qui se goinfre de nénuphars. Ne sait-il pas que son infâme appétit prive la Guifette moustac d’un lieu où nicher. En dépit de sa science, de sa passion, Tony échoue quelquefois à captiver son auditoire. Un jour, un compatriote n’a pas pris de gants pour lui livrer le fond de sa pensée : « Tony, j’en ai rien à cirer de tes oiseaux, mais j’ai adoré tes étangs, tes forêts, tes fleurs et tes libellules. Ici, j’ai retrouvé mon enfance. » Gloire à cet Anglais qui a su si bien parler de la Brenne. Les Cistudes auraient aussi leur mot à dire, ne serait-ce que parce qu’on en compte 100 000 sur un territoire affichant 5 habitants/km². à l’heure de pondre, ces petites tortues quittent les étangs pour rejoindre les prairies. Sur la route, des panneaux triangulaires arborant une tortue, mettent en garde les conducteurs contre une collision qu’on imagine fatale… à l’animal. Il faut voir Vincent Sauret, garde conservatoire, descendre de sa voiture et stopper les véhicules avec l’autorité que lui confère la loi, le temps pour une Cistude d’achever sa périlleuse traversée. Ainsi va la vie dans la Brenne : au rythme de la nature.
Maison du Parc. Rosnay. Indre. www.parc-naturel-brenne.fr

Photographe : Jeremy Suyker
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Écrit par
Albert Zadar
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