Hawaï – Les bonnes vibrations

Naître à Honolulu ne prédispose pas forcément à une vie d’hédoniste partagé entre le surf et le balancement d’un hamac tendu entre deux cocotiers. Barack Obama qui est né à la maternité de Kapiolani, joue un peu au golf, mais reste un gros bosseur. Peut-être qu’en souvenir de son enfance hawaïenne, l’ex-président grattouille-t-il encore le ukulélé à ses rares moments perdus. Un drôle d’instrument, descendu tout droit de la braguinha, une toute petite guitare apportée dans les valises des immigrants portugais venus de Madère au XIXe siècle et longtemps considéré comme un jouet. Sur la plage de Waikiki, Ron Kumano en donne des cours à 40 dollars de l’heure. Il y a pire endroit pour une leçon. D’un côté une mer allumée de soleil avec ses stand up paddles doucement ballottés par la houle, de l’autre, une débauche de vitrines de boutiques de luxe, de restos fusion et de night-clubs cocaïnés. Un quart d’heure en voiture suffit pourtant pour passer de cette jungle de buildings à celle de Jurassic Park. Dans le silence mouillé de la Manoa Valley, des passereaux maquillés comme des dames de petite réputation furètent sous les frondes des fougères géantes. Contrairement aux apparences, beaucoup ne sont pas endémiques, mais descendent d’individus échappés de volières. Les espèces natives qui avaient abandonné tout moyen de défense n’étaient pas vraiment armées pour supporter la concurrence de celles arrivées dans les canots des Polynésiens au XVe siècle. La coutume des grands chefs qui poussaient la coquetterie à se tisser des manteaux en plumes de liwi rouge et de moho n’a pas vraiment contribué à la préservation de l’avifaune. 35 espèces d’oiseaux ont disparu depuis l’installation des premiers Hawaïens, autant depuis la colonisation par les Occidentaux et 31 autres sont aujourd’hui déclarées en danger. Du côté des plantes, le tableau n’est guère plus réjouissant. Les espèces indigènes comme le koa, l’acacia hawaïen ou l’ohia, un arbre à petites fleurs rouges, se retrouvent asphyxiées sous l’implacable étreinte de tueurs sans scrupules débarqués avec l’homme blanc. Lianes passiflores, lantaniers, gingembres kahili ou encore goyaviers de Chine poursuivent en silence leur invasion mortifère. Hawaï, longtemps considéré comme un site privilégié de l’évolution, peut prétendre aujourd’hui au titre de capitale mondiale de l’extinction.

Rouleaux de printemps et poings dans la gueule

Pour du sauvage, du vrai qui défrise, cap sur la côte nord d’Oahu et ses petits rouleaux rafraîchissants. Avec plus d’une demi-douzaine de surfeurs noyés ou fracassés sur les rochers au cours des vingt dernières années, Banzai Pipeline est considéré comme le site de surf le plus dangereux du monde. Avec un nom de baptême pareil, on aurait pu s’en douter. Ici, règne une agitation de tous les diables, une épouvante liquide entretenue par des cohortes de vagues monstrueuses qui se dressent de toute leur masse, s’enroulent sur elles-mêmes et s’effondrent en un tumulte d’écume permanent. Le Pacifique semble vomir ses tripes après s’être lui-même rendu malade. Si après tout cela, l’envie vous prenait encore d’y aller barboter avec votre planche Décathlon, sachez tout de même que la plage est le terrain de jeu du Wolfpak, l’un des plus fameux gangs de surfeurs d’Hawaï, une bande de joyeux lurons, adeptes de la glisse et de la castagne. Ce sont « leurs vagues » et gare au touriste étourdi qui l’aurait oublié.  (…)

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Byron Sewell, pratique le surf depuis 6 mois. Lae Nani Beach. Kapaa, cote est. Ile de Kauai. Hawaii.
Photographe : Christophe Migeon
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Écrit par
Christophe Migeon
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