Kabukicho, le quartier chaud de Tokyo - A/R Magazine voyageur 2018

Kabukicho, le quartier chaud de Tokyo

Demandez Kabukicho, tout le monde connaît.

Pour se rendre à Kabukicho, le quartier du sexe à Tokyo, c’est simple, vous sortez à la gare de Shinjuku. Pour être franc, vu que cette gigantesque station comporte à peu près deux cents sorties, vous risquez de marcher un peu. Mais demandez Kabukicho, tout le monde connaît. À première vue, le quartier est normal. Restaurants, salles de jeu et karaokés se succèdent dans un amoncellement de devantures toutes plus colorées et bruyantes les unes que les autres. Pourtant, le sexe est bien là. Vous verrez des love hotels, qui proposent des locations de chambre à l’heure. Et dans les rues, des affiches de jeunes filles accompagnées d’inscriptions rouges ou roses indiquant « love + » ou « ladies ». Les filles en photos sont toujours habillées. Les plus sexy sont en soubrette, mais la plupart sont en jupette, cravate et serre-tête à la manière d’écolières. Ce qui frappe – et peut assurément choquer — c’est leur air de jeunes adolescentes. Certes, les Asiatiques ont tendance à paraître moins que leur âge, mais tout de même. Cela serait inadmissible en France, mais au Japon l’érotisation de la jeunesse n’est pas tabou comme en Occident.

Chaud devant !

Si vous voulez vous balader tranquillement à Kabukicho, je vous conseille de le faire en journée. Le soir, vous vous faites aborder tous les dix pas par des rabatteurs, bizarrement, tous des Africains (beaucoup sont des Nigérians qui ont jugé plus intéressant d’émigrer au Japon plutôt qu’en Europe). Ces rabatteurs peuvent vous conduire dans deux types de lieux. D’une part, des bars peuplés de filles qui n’ont d’autre but que de faire casquer le client en bavardant et en se faisant offrir à boire, mais rien de plus. D’autre part, de vrais bordels où l’on pratique la prostitution sans chichis (bien que celle-ci soit théoriquement interdite au Japon). Le rabatteur m’amène dans un immeuble. Aucun signe distinctif. Nous montons dans un étage. Il ouvre une porte tout aussi discrète. Et là, un homme me présente aussitôt un grand cahier. A chaque page, les photos de jeunes femmes dont je pourrais disposer pour environ 200 euros. À ce stade de l’article, certaines lectrices pourraient se dire qu’il n’y en a décidément que pour les hommes comme c’est souvent la règle dans le commerce du sexe. Eh bien non ! À Kabukicho, elles ne sont pas oubliées, et elles peuvent se rendre dans certains lieux, comme le club Top Dandy où de jeunes hommes sexy sont tout à leur disposition.

Hop ! Au sex-shop !

Pour avoir un aperçu de la sexualité japonaise, le plus simple est d’aller dans un sex-shop. On y trouve tout l’attirail du parfait sado-masochiste, preuve de la vivacité de ces pratiques au Japon : bougies pour arroser son ou sa partenaire de cire brûlante, épais cordage pour le (ou la) saucissonner… Il y a aussi des dvd très originaux. Les jaquettes sont très soft, car la loi japonaise interdit de représenter les poils pubiens et les organes génitaux. En revanche, l’inventivité explose dans les scénarios. Par exemple dans ces films où une centaine de couples sont alignés dans un gymnase et copulent en parfait synchronisme et dans les mêmes positions… Dans d’autres films, un homme est allongé à terre et se fait piétiner par une trentaine de femmes en talons aiguilles… S’il y avait des Césars du porno, les Japonais remporteraient le prix du scénario chaque année ! La fille qui n’existe pas

Mais ce qui m’a le plus bluffé, c’est la réalité virtuelle. Pour l’équivalent de dix euros, on me donne un panier : dedans un casque à poser sur les yeux, des écouteurs pour les oreilles, et un cylindre creux et lubrifié pour y insérer ce que je vous laisse deviner. Ainsi équipé, je me rends dans une cabine individuelle (il y en a des dizaines, voire des centaines sur plusieurs étages). À l’intérieur, un canapé. Je m’y allonge et m’équipe du casque. Aussitôt, je vois une fille apparaître. Son image en trois dimensions est si nette et réaliste que j’ai vraiment l’impression qu’elle est à mes côtés. Quand elle me susurre des mots tendres à l’oreille, je crois sentir son souffle. Quand elle s’approche pour m’embrasser, je ne peux pas m’empêcher de tendre le bras pour tenter de la toucher, même si je suis conscient de l’absurdité de cette manœuvre. Impassible, la fille prend tout son temps pour se dénuder, puis pour me chevaucher, et bref me faire tout un tas de trucs que je passerai sous silence.

Mais ça n’a rien à voir avec un banal film porno. C’est même tout l’inverse, puisqu’on ne voit aucun sexe (ils sont systématiquement floutés). Tout est dans la sensualité. Je sors halluciné de cette expérience en me disant que cette sexualité high-tech a quelque chose d’effrayant et fascinant à la fois. Il est connu que les Japonais bossent comme des fous. En plus, ils baisent assez peu. Selon un sondage réalisé en 2016, plus de 40 % des jeunes de 18 à 35 ans sont encore vierges. Je me demande à quoi ressemble leur journée. Quinze heures de boulot sur un ordinateur, puis des jeux vidéo, et du sexe avec une femme virtuelle ? Au fond, cette visite de Kabukicho, m’aura permis d’appréhender certaines facettes du Japon par la bande.

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Écrit par
Antonio Fischetti
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