Mathias Duplessy : « Le Far West et la Mongolie se mélangent très bien »

Comme les trois mousquetaires, les trois « violons du monde » sont quatre. Le groupe compte bien sûr trois musiciens qui jouent de lointains cousins du violon. Le Chinois Guon Gan joue du erhu (un instrument à deux cordes dont la caisse de résonance est recouverte d’une peau de serpent), le Mongole Dandarvaanchig Enkhjargal du morin khuur (un violon carré à tête de cheval) et Aliocha Régnard du nyckelharpa (une vièle à archet suédoise). Mais il y a aussi leur D’Artagnan, le guitariste français Mathias Duplessy, qui les a réunis et leur fait enregistrer des thèmes aux titres aussi évocateurs que « Good morning Guangzhou », « Gibraltar » ou « Japanese in Paris ». Courte conversation au moment où ils publient leur troisième album commun, « Brothers of Strings »…

Où avez-vous rencontré les trois « frères de cordes » qui jouent à vos côtés sur cet album ? Au terme de quelle aventure ?

Mathias Duplessy : « C’est en Inde en 2008, lors de l’enregistrement d’une musique de film que j’ai eu l’idée, en discutant avec le joueur de sarangi Sabir Khan, de réunir pour la première fois, à ma connaissance, sur scène et sur disque ces 3 vièles traditionnelles. J’ai donc rencontré Sabir Khan à Bombay, Epi, le mongol, en Allemagne et Guo Gan, le Chinois, habite a Paris depuis 15 ans. Le destin a mis sur ma route ces 3 virtuoses la même année. Au lieu de faire un album avec chacun, il m’est paru naturel d’en faire un tous ensemble. Et ce fut « Marco Polo » en 2010. Depuis ,on a enregistré « Crazy Horse » en 2016 et le tout dernier, « Brothers of String », en 2019. »

Sur quoi repose votre fraternité ? Uniquement sur la parenté de vos instruments ?

Mathias Duplessy : « Ha ha! Non bien sur. C’est la musique qui nous lie tous ensemble avant tout, on se respecte chacun et s’apprécie avant tout en tant qu’instrumentiste ou compositeur. On a du plaisir à s’écouter et à se surprendre. Nos personnalités sont très différentes mais on se complète sur scène et l’on rit beaucoup en dehors des concerts. »

Vos morceaux portent souvent le nom d’une ville, d’un lieu. Ainsi, votre nouvel album s’ouvre sur « Texas Bolero » et divague en direction de Gibraltar et de Guangzhou (Canton). Cela correspond-il à des souvenirs de voyage réels ou imaginaires ?

Mathias Duplessy : « Les deux ! On a joué a Guangzhou il y a 2 ans et on a passé de très bon moments où l’on chantait tous ensemble dans la voiture coincée dans les embouteillages… On en a fait un morceau joyeux ! »

Etes-vous un grand voyageur ?

Mathias Duplessy : « Les tournées font de nous de grands voyageurs mais le pays que j’aime le plus et où je vais le plus souvent, c’est l’Inde. Je m’y sens bien, il y a plein d’énergie et de vie partout ! Là-bas, j’ai aussi bien fait de la musique avec les enfants des bidonvilles que de composer pour des films de Bollywood. Je pars en Mongolie aussi en avril pour jouer à Oulan Bator, je vais en profiter pour aller dans la steppe à cheval avec mon fils de 15 ans ! Ca va être grandiose. La musique de Mongolie m’a beaucoup influencé et je chante « diphonique » (une technique de chant mongol qui permet de faire plusieurs notes a la fois) depuis 10 ans. J’ai très hâte d’y aller ! »

Vous faites une reprise très amusante du thème de « Le bon, la brute et le truand » : soudain, l’action semble se dérouler dans les steppes mongoles. Comme Sergio Leone, aimez-vous jouer avec les clichés ? Sont-ils la matière première de votre musique ?

Mathias Duplessy : « Non, les clichés ne sont pas une matière première. La motivation première est d’essayer de faire de la belle musique ensemble. Les clichés sont faits pour être revisité sous un autre angle. Il faut à chaque fois apporter quelque chose de nouveau. On a inventé le mélange entre le Far West et la Mongolie, qui marche très bien (notre sigle « Crazy Horse » est basé là-dessus) car le cheval est un point commun entre ces deux cultures (d’où le rythme du galop). La gamme pentatonique asiatique est également la même que celle de la country music. »

Pour vous, un bon disque est-il nécessairement un disque surprenant ?

Mathias Duplessy : « Ça fait partie du plaisir, la surprise. Ca veut dire qu’il y a eu une recherche, qu’on essaie d’avancer, de prendre des risques… Là aussi, c’est un voyage ! »

Propos recueillis par François Mauger

A écouter :

Mathias Duplessy & The Violins of the World « Brothers of String » (Absilone)

En concert :

Le jeudi 27 Février 2020 au Café De La Danse (Paris)

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Écrit par
François Mauger
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