De l'art de suer au musée - A/R Magazine voyageur 2018

Et si le musée se transformait en salle de sport ?

De l’art de suer…

Bientôt deux siècles que la statue de Ramsès II, l’une des pièces les plus emblématiques du musée égyptien de Turin, reçoit la visite d’admirateurs transis. Deux siècles d’infinie patience et de respect mutuel, mais cette fois, le pharaon de granit noir voudrait bien quitter son trône pour botter le cul des zigotos en survêt qui prennent sa salle d’exposition pour une salle de sport. Par Osiris ! Tous ces adorateurs de zumba venus se délester de quelques calories, il les jetterait volontiers aux crocodiles, mais il reste impuissant face à cette nouvelle pratique du sport dans les musées. Au Metropolitan Museum, les joueurs de cartes de Paul Cézanne n’en pensent pas moins quand sous la houlette de la compagnie de danse Monica Bill Barnes, des New-yorkais excités viennent troubler leur partie. Ça leur fend le cœur. Tout le contraire des danseuses de Degas qui apprécient l’hommage rendu depuis 2017. Une fois par semaine dans les salles du musée encore fermées au public, deux danseuses professionnelles guident leur troupe le long d’un parcours de 3 kilomètres.

« Amener la danse là où on ne l’attend pas »

Le but avoué de cette déambulation sur fond de musique pop-rock ? « Amener la danse là où on ne l’attend pas et créer par la dépense physique une expérience émotionnelle et artistique unique », confie Barnes, le directeur artistique de la compagnie. Les joyeux lurons enchaînent les jumping jacks autour la statue de Persée brandissant la tête tranchée de Méduse avant de passer au trot devant l’armure du roi de France, Henri II. Entre deux reprises de souffle et tout en s’essuyant le front, ils se pâment à la vue d’un Greco ou d’un Warhol. Changement d’ambiance aux musées royaux des beaux-arts à Bruxelles. Moins d’agitation, plus de relaxation. Lors de l’exposition « L’éveil de la conscience » de Gao Xingjian qui vient de s’achever, Laia Puig Escandell a dispensé des cours de yoga. Un moyen, selon elle, de « rencontrer notre nudité existentielle et de connecter corps et esprit face à des peintures monumentales et apaisantes. » Ça donne envie, non ? En tout cas, en France, ça n’est pas encore ça. Le musée Guimet a fait une timide tentative de pratique de yoga en famille en début d’année, classée sans suite pour le moment. Quant au Louvre, rien à l’horizon. Qu’en pense la Joconde ? On l’ignore. Son petit sourire demeure indéchiffrable.

En savoir plus dans le A/R Magazine voyageur n°41

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Écrit par
Sandrine Mercier
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