Tchad – Le Sahara des origines

Au nord du Tchad, l’Ennedi fait rissoler ses massifs de grès rouge au grand soleil. Paysages abrupts, chameaux volubiles, peintures rupestres oubliées et ténébreux pasteurs au sang chaud… C’est le pays toubou, grumeleux comme une rose des sables, sauvage comme le Sahara de papa.
Des heures de route. Des heures de route au milieu d’une infinie et désespérante platitude où seuls quelques tourbillons de poussière viennent rompre une monotonie qui finit par gripper l’âme. Les grandes étendues, c’est tout de même mieux vu d’avion, disait Théodore Monod qui s’y connaissait en traversées au long cours. Quelques carcasses de chars, vestiges pitoyables de la débandade libyenne de 1987, attendent encore le retour de leurs maîtres le canon en berne, pointé vers le sable. Et puis, alors qu’on ne s’y attendait plus, les premières forteresses de grès finissent par émerger d’une terre chauffée à blanc. La vie reprend soudain ses droits à l’approche de ces gros chicots au teint rougeaud. Des compagnies de biquettes trottinent barbiche au vent, une ânesse et son petit crottent au frais sous un bosquet d’acacias, tandis que des zébus à la bosse mollassonne se prennent pour des zèbres et entament de vaines cavalcades. Quelques kilomètres avant Fada, « capitale » empoussiérée de l’Ennedi, des militaires à béret rouge et fusil mitrailleur noir interceptent les véhicules. « Avez-vous des armes ? » nous demande un bidasse au treillis fatigué. « Non, rien ? Même pas un pistolet ? » Il a l’air déçu. Derrière le poste, de gros fûts peinturlurés en blanc marquent la limite de la zone déminée. Sur les 50 dernières années, le Nord du Tchad n’a peut-être connu que 10 ans de paix. Certains pays sont doués pour la rébellion, l’insurrection ou l’invasion par des troupes étrangères. Le Tchad est l’un des premiers de sa classe. (…)
Photographe : Christophe Migeon
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Écrit par
Christophe Migeon
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