Sur l'archipel des Marquises - A/R Magazine voyageur 2017

Marquises, un voyage au parfum de légende : épisode 2

[Suite de l’épisode 1]

Marquises, requiem pour un peuple

Richard Deane est né à Nuku Hiva aux Marquises. Sa femme, elle, est née en métropole. Quand ses parents, un père lyonnais et d’une mère marquisienne, ont décidé il y a une vingtaine d’années de s’installer aux Marquises, elle n’avait que douze ans. Quand ils lui ont montré sur une carte l’île où elle allait habiter, elle s’est exclamée : « Mais, c’est tout petit. Comment on fait pour marcher dessus ? Il n’y a même pas la place pour poser un pied ! » Tout petit, mais avec assez de place pour se sentir à l’aise compte tenu de la maigre population.

Cela n’a pas toujours été le cas. Imaginez que vers 1800, avant l’implantation des Occidentaux, on estime que 80 000 à 100 000 Marquisiens peuplaient huit des douze îles de l’archipel. En 1842, ils n’étaient plus que 20 000. Abordant Nuku Hiva en 1888, Robert Stevenson s’alarme de l’incontrôlable phénomène de dépopulation. Il écrit : « La pensée de la mort domine toutes les autres dans l’esprit des Marquisiens. Et comment pourrait-il en être autrement ? La race est peut-être la plus belle qui soit : la taille moyenne des hommes est de six pieds, ils sont fortement musclés. […] D’après les apparences, aucune race ne semble plus viable, et cependant la mort les fauche à pleines mains. »  En 1923, il ne restait plus que 2300 Marquisiens.

Allaient-ils disparaître ? La tuberculose avait causé des ravages, la famine sévissait, beaucoup ayant perdu le goût de vivre se suicidaient, la mortalité infantile était au plus haut. Nommé la même année directeur du poste médical de Taiohae, le docteur Louis Rollin va s’efforcer de briser la trop funeste tendance. En instaurant des mesures d’hygiène drastiques, il parvient en une année à obtenir un excédent de naissances, chose que l’on espérait plus. Après plus d’un siècle, la courbe démographique s’inverse enfin.

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Au pays des tiki

Entre son arrivée aux Marquises au Ie siècle avant J.-C. et la fin XVIIIe siècle qui voit l’amorce de son terrible déclin, le peuple marquisien a construit quantité de villages. Beaucoup d’entre eux, engloutis par la forêt, demeurent inconnus. Il faudrait pour tous les mettre au jour une armée d’archéologues.

Sur la côte nord, la vallée de Hatiheu peut se flatter de posséder sept tohua ou places communautaires rectangulaires où se déroulaient les grandes cérémonies de prières collectives, les rites de passage à l’age adulte et les sacrifices pour apaiser les divinités. Plates-formes (paepae) et gradins constitués d’imposants blocs de pierre ont été restaurés avec l’appui de la population dont les savoir-faire, du moins certains (confection de toits avec des palmes de cocotiers tressées et liées à la charpente avec des écorces d’hibiscus…), ont subsisté en dépit des avanies de l’Histoire.

Une statue de pierre me fixe de ses grands yeux ronds. Ses genoux sont fléchis. Il tient ses bras collés le long du corps et ses mains sur le ventre. Sa tête est énorme. Que cache son impassibilité ? Pourvu qu’il ne m’engueule pas ! C’est qu’il n’a pas l’air commode le bonhomme. C’est un tiki, mi-homme, mi-dieu. Autrefois, il incarnait le monde des ancêtres divinisés.

Dans la partie surélevée du site, un banian vieux de 500 ans prend ses aises, s’étale. La manœuvre est bien connue. De ses branches, ils laissent pendouiller des racines jusqu’au sol où elles ont tôt fait de s’ancrer pour former une myriade de troncs annexes s’apparentant aux colonnes d’un temple végétal. Et de fait, le banian était un arbre mythique qui protégeait chaque village et auquel on confiait les os des ancêtres. Ces derniers dorment plus tranquilles depuis la création en 1979 de l’association culturelle Motu Haka (le rassemblement) dont le but est de faire revivre la langue, les chants, les danses, les légendes, le tatouage et la sculpture de l’archipel.

Le festival des arts des îles Marquises (Matava’a) qui se tient tous les deux ans alternativement dans chacune des six îles habitées leur fait aussi chaud au cœur. La mauvaise nouvelle, c’est que les îles sont appelées à s’enfoncer lentement dans l’océan, se transformer en presqu’atolls avant de devenir atolls et finalement disparaître, mais cela devrait prendre 30 millions d’années. « De quoi voir venir ! », disent les tikis.

Gygis alba en plein vol aux Marquises - A/R Magazine voyageur 2017
Gygis alba en plein vol

Pratique

Y aller

  • Air Tahiti Nui. A/R Paris — Papeete. 7 vols/semaine, 22h de vol via Los Angeles. À partir de 1747 €. Tél. : 0 825 02 42 02 (0,15 €/min)
  • Air Tahiti. A/R Tahiti — Nuku Hiva : 5 vols/semaine à partir de 585 €
  • Attention : tout passager en transit aux USAdoit obtenir la pré-autorisation d’entrée aux USA il faut impérativement remplir un dossier sur le site officiel (14 USD) au plus tard 72 h avant le départ. www.france-esta.fr
  • 1 € = 120 francs pacifique
  • Décalage horaire Paris – îles Marquises : – 10 heures.

Dormir

  • Nuku Hiva Keikahanui Pearl Lodge. Taiohae. Situés dans un splendide jardin tropical, les 20 bungalows surplombent la baie et le village de Taiohae. Accès à la plage de sable noir par un escalier. Très bon restaurant. Bungalow à partir de 218 €/nuit.
  • Rose Rorser’s. Taiohae. Rose s’est installée à Nuku Hiva en 1979 et n’en est jamais repartie. Avec son mari, elle a créé et revendu un hôtel (transformé en Pearl Lodge). Elle gère aujourd’hui sa guesthouse et un petit musée d’art marquisien flanqué d’une boutique.

Manger

  • Chez Yvonne. Hatiheu. Recommandé pour une pause lors d’une excursion dans la vallée de Taipivai. Cuisine traditionnelle. Cochon cuit au four marquisien, poissons crus et frits… Mention spéciale pour les langoustes au whisky et pour Yvonne, charmante patronne, maire de la commune et militante pour la préservation du patrimoine. Hatiheu. Tél. : + 689 920 297

Se balader

  • Temarama Tour. Suivez le guide Richard Deane pour découvrir Nuku Hiva et l’esprit des Marquises. Bonne humeur et bon humour.
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Écrit par
Michel Fonovich
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